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26 mars 2008

Atelier d'écriture

ecriture8hm3

Dans le cadre de mon stage en tant que stagiaire psychologue dans un centre de postcure pour alcoolique, j’ai l’occasion d’assister et de participer à un atelier d’écriture.

En voici les règles : les participants vont écrire des mots en rapport au thème du jour. Avant de le donner, l’animateur énumère une liste de lettre. Une fois le thème lancé, chacun écrit les mots qui lui viennent à l’esprit. Ils doivent débuter par certaines lettres. Une fois que chacun juge avoir terminé, ils vont tour à tour donner leur liste de mots commençant par telle lettre pour n’en retenir qu’un. Si quelqu’un ne voit pas le rapport entre le thème et un des mots cité, il peut demander à celui qui l’a donné de le lui expliquer.

Dans un second temps, après que chacun des membres du groupe ait donné ses mots, on va retenir certaines listes de lettres pour écrire un texte en lien avec le thème et incluant les mots retenus.

Les textes qui suivent sont ceux que j’ai écrits dans le cadre de ces ateliers. Ensuite, ce sont d’autres poèmes qui, les jours de mauvais temps, ont su m’occuper un temps

LE TEMPS

A: absence/abondance/arrêter/amitié/arbre/attente/ambiance/avenir/accélérer.

La richesse de ton feuillage

L'épaisseur de ton écorce

L'ambiance de ton ombrage

Et cette froideur qui ne t'écorche

Oh toi bel arbre qui a vécu

Pluies diluviennes,

Vent ou soleil

Aujourd'hui tu n'en peux plus

Mais malgré tout, qu'on s'en souvienne,

Notre amitié est sans pareille

Et à l'avenir

Ton absence en abondance

Me servira de souvenir

Lorsque tout s'accélérera

Et que la flèche me rattrapera

En attendant l'ultime soupir,

Ca s'arrêtera sur un sourire.

LA SOLITUDE

B : balade/ besoin/ bêtise/ barque/ bonté/ balancer/ (se) barricader/ bonheur/ bar/ bourrer/ bouder.

R : rien/ renaître/ recul/ rêve/ réviser/ route/ resourcement/ rêver/ ralentir/ rouler.

Suite à cette bêtise, il ressent le besoin irrépressible de quitter le bar. Il ne lui faut rien d’autre que du recul. A cet instant, il se dit qu’il devrait à tout prix apprendre à mener sa barque sans avoir à se bourrer, sans avoir à fuir. En quittant ce lieu où il vient si souvent, les pensées fusent… Pour la première fois, il sent qu’il renonce, il baisse les bras et s’avoue vaincu. Il reconnaît que l’alcool est plus fort mais il comprend surtout qu’il n’est pas lui. Cet alcool lui offrant des routes faites d’illusions et de rêves l’a trompé si longtemps! Désormais il veut avancer, rêver d’autre chose, tourner une page, rouler en compagnie de quelqu’un plutôt qu’avec un manipulateur le mettant sous verre. Il se sent la capacité d’éclore, de renaître. Il ne supporte plus cette barricade que lui inflige ce liquide le poussant à bouder sa bonté. Le resourcement procuré par cette balade nocturne est pour lui aussi apaisant qu’inespéré. Cette nuit là, dans sa solitude, il flirte enfin avec le bonheur, avec l’espoir que ça dure tout en sachant que la route sera longue et semée d’embûche. Il sait qu’un déclic le fait maintenant balancer de l’autre côté mais se dit qu’il suffirait d’un autre petit rien pour qu’il retourne en arrière. Son souffle, comme son pas, se ralentit jusqu’à se que ses jambes n’ai plus la force de lui répondre tant ses pensées l’ont épuisé à réviser ce qui, jusque-là, n’avait pu être envisagé. C’est là, sur ce trottoir, que vers 3H du matin il s’endort, heureux d’avoir un autre regard…

LA FETE

H: hôtel/ hélium/ hélicoptère/ hard/ honneur/ hôpital/ herbe folle.

Il n’avait de cesse de ruminer, depuis ces quatorze interminables années, ce nouvel an 1993. Cet instant où, tel un soupir sur un château de carte, la drogue détruisit sa vie. De sa cellule, Antoine ne voyait rien d’autre que le mur interminable de l’hôpital. Dans l’infernale routine carcérale, ce qu’il détestait le moins était ses sorties dans la cour où il lui arrivait d’oublier, ne serait-ce qu’un temps, les murs de ce qu’il qualifiait d’hôtel obligatoire. Les yeux aux ciels, répétant inlassablement sa ronde telle la pale d’un hélicoptère, il aurait voulu sentir son sang se faire hélium pour s’envoler et ainsi abreuver sa soif de liberté. Au lieu de ça, l’humour des merles moqueurs venait lui rappeler son enracinement, herbe folle au milieu du néant. La dure sonnerie, spirale du temps dont il est l’esclave, venait lui signifier son honneur bafouée. Tel était la sanction, réponse à une fête où il n’aurait dû être.

LE CORPS

S: sensualité/ sensation/ sein/ sens/ sourire/ sueur/ saoul/ souffle

Il suffit de ton sourire

Pour qu’enfin respire

Les larmes de mon cœur enfermées avec ardeur

Perles parfumée à la sensualité

La sueur vient réchauffer nos corps entremêlés

La sensation de ton sein tiède flirtant avec ma peau

M’embarque sur le plus beau des bateaux

Souffle d’espoir qu’on ne voudrait voir choir

Grand voile hissée

Amarres larguées

Mes sens chavirent

Trop saouls pour en survivre

Oh toi douce tempête

Tu fais jaillir de mes entrailles

Un feu d’artifice bouquet final

Belle  bataille

Tu m’auras fait animal

LE TEMPS

P: passé/ parcours/ projet/ passage/ pluie/ parole/ parenthèse/ période/ pluvieux

Il se rappelle du temps passé

Du parcours et des projets réalisés

Et de certains passages obligés sous des pluies de paroles acharnées

Nostalgique de ces parenthèses, périodes où le temps pluvieux le rendait si malheureux

C’est seulement aujourd’hui qu’il accepte le temps et regrette de n’avoir su l’apprécier autant

LE TRAVAIL

H : heure/ habitation/ habitude/ hacher/ hélice/ humeur

L’impatience ralentit les aiguilles

Que le travail hélas habille   

Véritables hélices du temps

Dont mon humeur souvent dépend

Ces secondes qui font la ronde

Sur un cadran, témoin du temps

Les heures déferlent girondes où frêles

Tantôt elles courent, parfois elles traînent

Une chose est sûre, jamais de trêve

Bien sûr des rêves, refuges nocturne

Habitations faites d’illusions face au diurne

Qui nous rappellent nos habitudes

Et vient hacher, sans hésiter, une plénitude bien méritée

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9 février 2008

Inconscient chemin

munch_TheScream      munch_TheScream___Copie      munch_TheScream_2

« C’est décidé, j’arrête, ils ne m’y prendront plus! Tous ces cafards à qui on a bouffé l’esprit et qui, tels des zombies, veulent me voir basculer tout comme eux! Putain, mais y a-t-il encore quelqu’un de lucide sur cette foutue planète! Tout explose, tous implosent… à quand mon tour? Non, ne pas penser à ça… il faut agir, il faut réfléchir, trouver des solutions! Et Marie, mon Dieu, Marie! Merde, merde, merde!! Non, j’peux plus me permettre, je peux pas… Si, il le faut! »

D’un geste impulsif et nerveux, Paul ramassa son manteau qu’il venait pourtant de jeter à terre suite à sa dernière sortie, celle de trop. Il dévala les escaliers quatre à quatre sans se soucier de la chute, sans se préoccuper de cette chute… Les gouttes perlaient sur son crâne dégarni, elles coulaient sur son visage pour se retrouver au niveau de ce large menton au bout duquel un bouc s’occupait de les faire disparaître. C’est arrivé en bas, à côté des interphones, qu’il ressentit cet effroi, ce fameux coup de fouet qui l’avait mené à cette décision, celle de vouloir éviter l’inévitable, mais il y avait Marie, sa Marie.

« Non, ne fais pas attention! Court, court, court! Il ne te suivra peut-être pas… ne lui laisse pas le choix! Court plus vite que lui! »

Il était tard, sans doute trois ou quatre du matin, mais la rue de la liberté grouillait bien trop à son goût. Il le fallait, pas le choix, il devait repasser à côté du tabac malgré la promesse qu’il venait de se faire. Ils le guettaient et l’auraient, Paul le savait mais il fallait qu’il essai. Il ne pouvait pas la laisser courir le risque. Peut-être n’était elle même pas au courant… Sa grande taille lui permettait d’avoir un pas plus qu’efficace mais il devait se méfier, surtout ne pas se faire repérer! Cette nuit là, Paul voyait jour, il avait compris. Pourquoi n’avait-il pas vu clair plus tôt, pourquoi seulement maintenant à 28 ans, dans ce tabac ouvert 24/24h? Pourquoi cette soirée là, celle du 23 décembre?

«Etre à l’affût, regarder, écouter, sentir… Maintenant que tu as ouvert les yeux ne les laissent plus se refermer, plus jamais! »

Après une course effrénée mêlant rapidité et furtivité, il se retrouva dans la rue de son immeuble, pas celle de Marie mais bel et bien sa rue, celle de la liberté… il tournait en rond!

« Non, non, non! Comment! Comment ces bâtards ont fait?! Ils m’ont eu malgré moi, c’est pas vrai, non, pas vrai! Mais comment est-ce possible?! »

La panique lui fit remonter les six étages le séparant de « son nid ». Il devait réfléchir à ce qu’il venait de se passer, il lui fallait comprendre l’illusion qu’ils venaient de lui faire vivre. Une fois passé le pas de la porte il s’écroula à même le sol, le jour se levait, ça devait faire cinq heures qu’il courait. C’est vers 10h que des voix le réveillèrent. Peu à peu la brume s’évapora pour laisser place à l’angoisse qui, dès le fil de la nuit reconstruit, le submergea. L’odeur qui régnait dans la pièce mêlait poussière, renfermé, sueur et fumée froide… une véritable puanteur! Les fientes de pigeons recouvrant le velux et les planches clouées aux fenêtres constituaient une véritable barrière à la lumière qui offrait à sa planque une atmosphère des plus écœurantes. Cela faisait pourtant des décennies que Paul n’avait plus prononcé ce prénom qui, la veille, le poussa dans la rue. Il se souvenait de ces mains si douces et précises, de ce parfum de pétale humide, de ces cheveux dont les boucles frôlaient de minces épaules, de ce tain lumineux et de ce visage tendre et rassurant. Marie savait-elle ce qu’il se passait dehors? Vivait-elle encore dans cet appartement qu’elle avait partagé pendant neuf courtes années avec son petit Paul?

Françoise vivait seule à Sucy-en-Brie, en banlieue parisienne. Les seuls amis qu’elle avait lui rendaient visite chaque matin au signal qu’incarnait le bruit des croquettes qu’elle déposait affectueusement dans une bassine posée sur le perron. Chacun de ses chats avaient un prénom de planète mais lorsqu’un dixième se greffa à cette horde, elle l’appela « Lune ». Ses voisins ne prêtaient aucune attention à Françoise et ne se gênaient d'ailleurs pas pour la traiter de vielle folle lorsqu’elle passait des heures assise à attendre on ne sait quoi sur le trottoir en fixant sa boite aux lettres. Un gamin du quartier avait d’ailleurs tagué « Planète Lune : retour maison !» sur le flan droit de la boîte de manière à ce que la vielle folle ne puisse passer à côté. Peu être était-ce pour cette raison qu’elle nomma son dernier chat, rapidement devenu son grand privilégié, « Lune ». A 69 ans seulement, elle n’attendait plus rien de la vie et encore moins des gens, seuls ses animaux lui donnaient une mince raison de survivre encore un peu. Depuis 1979, les fêtes de noël l’attristaient plus que tout, non pas en raison du froid de cette période qui lui déclenchait davantage de rhumatisme l’empêchant de sortir observer sa guirlande de chat (pour ça, elle pouvait toujours glisser un œil derrière le rideau du salon…) mais pour la simple et bonne raison qu’elle voyait de nombreuses voitures se garer dans sa rue, des voitures lui rappelant que des familles se réunissaient pendant qu’elle se mourait dans la honte de n'avoir plus personne. Pour Françoise, l’anniversaire sinistre que représentait cette date du 24 décembre lui rappelait qu’elle aurait pu faire quelque chose, qu’elle aurait dû agir autrement, c’était il y a 19 ans.

C'est à 10h30, en écrasant sa dernière cigarette que Paul arrêta de trembler. Malgré la terreur qui l'envahi au réveil, une fois les voix envolées, il réunit tous ses efforts de manière à être efficace. Il sentait que cette journée du 24 décembre était sa dernière chance de sauver Marie et il ne comptait pas la manquer.

« Bon, faisons le point... Que disaient ces voix? Comment ont-ils fait pour que tu n'y vois que du feu? Pourquoi n'as tu pas retrouvé son appartement? Et maintenant... que faire? »

Daniel n'avait ce travail que depuis deux mois. Il avait conscience de sa chance, il est clair qu'un jeune psychologue sans expérience devait remuer ciel et terre pour espérer décrocher un job comme celui là dès l'obtention de son diplôme. Or ce ne fut pas le cas pour Daniel qui, grâce à son oncle psychiatre, à 26 ans se trouvait déjà en poste à l'H.P de Boissy-St-Léger, dans la ville même où il avait grandi et vivait désormais dans un petit pavillon avec Julie. Pourtant, ce jour là, Daniel avait la boule au ventre, il n'était pas comme d'habitude. Lorsque le téléphone retentit, aux alentours de 10h15, il se doutait qu'une mauvaise nouvelle allait lui être annoncée...

Après mûre réflexion Paul pris la décision de retourner au tabac. L'idée même de devoir sortir était, à ses yeux, synonyme d'extrême souffrance mais il devait connaître la vérité, il fallait la récupérer à tout prix. L'effort qu'il allait devoir fournir lui semblait surhumain; il allait devoir parler, lui qui n'avait plus prononcé un mot depuis ses neufs ans. Il devait demander à l'un de ces salauds, à l'un de ces cafards, un renseignement, le renseignement qui lui permettrait de la retrouver. Dès lors que le pas de la porte fût franchi, il eut peur que son cœur lui transperça la cage thoracique tant il battait fort. Rapidement, son front fût de nouveau ruisselant, ses mains tremblantes, son tain blafard était significatif de la terreur qui l'emplissait tandis que ses yeux scrutaient les moindres recoins. A ce moment des voix lui criaient qu'il était trop tard, qu'il avait 19 ans de retard. Elles lui hurlaient à lui transpercer les tympans qu'il était le seul responsable, qu'il était le meurtrier qu'il cherchait. Une fois l’escalier descendu, une seconde épreuve s'imposait à lui. En plus de devoir ignorer ces voix injurieuses, il allait devoir se faire transparent, personne ne devait le repérer. C'est la peur au ventre que Paul se lança dans ce qu'il qualifierait de marrée humaine. Epaules recroquevillées, il évolua dans ce qui lui paraissait être une ascension. Une fois le tabac en vu, il se dit que jusqu'ici tout fonctionnait comme prévu. Les deux premières étapes étaient quasiment franchies, restait la plus redoutée: parler...

Ca n'était pas dans ses habitudes mais quelque chose poussa Daniel à répondre.

- « Allo? »

- « Daniel, c'est Philippe. Tu vas bien? »

- « Pas mal et toi? »

- « Et bien, ton patient muet n'est pas rentré hier soir... »

- « M. Guérin! Merde, je savais qu'il y aurait une merde! »

- « Ouais... Apparemment il reste introuvable. C'est toi qui lui as filé son autorisation de sortie? »

- « Oui, c'est moi. Cela faisait plusieurs mois que son état s'était amélioré... Son contact à la réalité semblait ne plus poser de problème alors quand il m'a fait comprendre qu'il aimerait sortir non accompagné... Enfin, tu vois? Je lui ai fait confiance et je m'suis dit qu'il serait intéressant de... Merde, merde! C'est pas possible. »

- « Bon, déstresse un peu s'il te plait »

- « Oui, excuse-moi... »

- « Sais-tu ce qu'il voulait faire? S'il voulait aller à un endroit particulier? S'il a des gens à qui il aurait pu rendre visite... tout ça quoi. »

- « Pff, pas vraiment... Il devait faire un tour en ville puis revenir avant 18h, non, je vois pas... »

- « Hum, et niveau famille? J'imagine qu'il n'a personne? »

- « La seule qu'il lui reste est sa grand-mère mais ils ne se sont pas vu depuis le décès de sa mère, il y a 19 ou 20 ans je crois. »

- « Laisse tombé, de toute façon ça n'est pas ta faute et l'hosto fait ce qu'il y a à faire. Dit moi simplement où est son dossier pour qu'on donne certaines infos à la police même s'ils ne bougeront pas le petit doigt... »

- « La police?! »

- « Oui, la P-O-L-I-C-E… c’est la démarche habituelle, voilà tout. »

- « Bon, d'accord... Tu trouveras le dossier dans l'armoire à droite de mon bureau. Je pense qu'il fait parti de ceux qui sont sur l'étagère du haut. C'est M. Guérin. »

- « Ok, merci. Je te tiens au courant mais tu ne dois pas t'en faire. C'est ton premier qui se fait la malle mais ça ne sera pas ton dernier. Aller bye. »

- « C'est super rassurant... En tout cas merci... A plus. »

- « Tchao. »

L'amertume de ce jour fût accentuée par la disparition de son favori. Françoise n'avait pas caressé Lune depuis bientôt 24 heures ce qui rendait sa solitude plus insupportable que jamais. Ca n'était pas son genre de ne pas rentrer profiter du doux feu de la cheminée et des tendres caresses de sa maîtresse. Son inquiétude décupla lorsque le son strident de ce téléphone poussiéreux transperça l'air tel un coup de fusil. D'un pas maladroit elle se rendit timidement vers cet objet dont elle ne se servait que trop peu. Elle décrocha le combiné et soupira un « Allo » d'une voix aussi hésitante que peureuse.

- « Mme Guérin. Françoise Guérin? »

- « Oui. » répondit elle tant bien que mal.

- « Bonjour, excusez moi de vous importunez, je suis Daniel Mercier, le psychologue qui suit... suivait votre petit fils: Paul Guérin. »

Au nom de Paul, Françoise sentit son sang se glacer, son cœur s'emballer, son souffle se couper... elle était littéralement figée telle une statue de bronze. Elle ne pouvait parler ni même penser.

- « Ce que j'ai à vous dire m'est très difficile mais je pensais que c'était à moi de le faire: votre petit fils est décédé. »

Alors, Françoise fût presque soulagée: elle n'aura jamais à lui expliquer la raison pour laquelle elle l'avait abandonné. Une raison qui, plus le temps passait, lui semblait être une abomination. Si bien qu'elle ne pouvait plus se regarder dans un miroir tant elle se dégoûtait. La culpabilité qu'elle rejetait sur Paul fût rapidement sienne mais sa lâcheté l'empêchait de retourner vers lui car, d'après elle, il était trop tard. Comment aller voir un enfant que l'on a délibérément abandonné après l'avoir accusé d'être responsable du décès de sa propre mère alors qu'il n'avait que 9 ans? Après un temps de latence qui poussa Daniel à toussoter au téléphone de manière à provoquer quelle réaction que ce soit, Françoise et lui prirent rendez vous à 14h.

C'est exactement à 10h43 que le drame se produisit. Le commerçant dit qu'un jeune homme d'une vingtaine d'années entra en furie dans son tabac en grognant des « Marie! Marie! Marie! ». Il était si effrayant que les clients restèrent de marbre, comme plantés dans le sol. C'est après un regard bref à sa montre poursuivit d'un silence d'une dizaine de secondes que cette créature dévala les trois marches de l'entrée du commerce pour se précipiter sous un bus qui l'écrasa. Paul était mort.

Après l'annonce du décès tragique de son patient, Daniel courra à l'hôpital sans trop comprendre sa propre réaction. C'est après avoir pris connaissance des circonstances qu'il décida de joindre Mme Guérin. Le rendez vous de 14h lui laissait trois heures pour réexaminer le dossier de Paul. Il savait que son patient avait décompensé en psychose paranoïaque à 19 ans, âge de son internement demandé par sa famille d'accueil du moment. Mais quelque chose le frappa: Paul était passionné par les calendriers, ils le fascinaient. Daniel se demanda alors pourquoi avait-il voulu sortir ce 23 décembre alors que jamais auparavant il n'avait souhaité mettre seul les pieds en dehors de ce contexte maternant qu'offre l'hôpital. Il se souvint alors des innombrables calendriers vierges de toute écriture qui ornaient la chambre de son patient. Une fois entre ces quatre murs, Daniel constata avec stupeur que chaque 24 décembre de chacun des calendriers étaient entourées d'un épais trait rouge. Il retourna au pas de course dans son bureau en sentant qu'il était sur le point de découvrir quelque chose qu'il aurait peut être dû sentir bien avant. Plongé dans le dossier, son attention se concentrait sur les dates qui marquèrent la vie de Paul. A 9 ans Paul a vu sa mère se faire écraser alors qu'elle sortait d'un tabac tout près de chez eux: rue de la liberté. Marie Guérin avait 28 ans. A la suite de ce tragique événement Paul fut placé dans un foyer d'accueil où plus un mot ne put sortir de sa bouche. C'est à 19 ans que Marie tomba enceinte sans même connaître le père de son futur Paul. A cet instant Daniel eu un flash, tout devint limpide, il comprit la logique de la dynamique inconsciente dans laquelle Paul était enfermée. Daniel se rendit clairement compte de la puissance de l'inconscient, de sa faculté à ne rien oublier mais à refouler, à maintenir certains faits dérangeants loin de nous. Les idées fusaient dans sa tête: « ok, alors... récapitule: Paul naît alors que sa mère à 19 ans, il décompense en psychose paranoïaque au même âge. De cette manière il dénie la réalité de son existence qu'il vit comme un fardeau du fait qu'il se sente responsable du décès de sa mère... ça colle! Ensuite, l'évènement eut lieu le 24 décembre 1979, nous sommes en 98 donc c'était il y a... 19 ans! Bon, bon, ne perds pas le file. Marie décède donc à 28 ans. Paul, au même âge, va mourir au même endroit, de la même façon alors qu'il prétend la rechercher puisque d'après le commerçant il gueule son nom avant de déguerpir du magasin pour se jeter sous ce bus. Donc... consciemment il pensait qu'il devait la sauver de... d'une menace quelconque alors qu'inconsciemment il allait inexorablement se suicider pour la retrouver. » Daniel fut couper dans ses réflexions, on frappait à la porte. D'un coup d'œil il constata qu'il était déjà 14h. Mme Guérin entra après une poignée de main rapidement échangée. Sans dire mot ils s'assirent face à face, tous deux étaient plus que mal alaise. C'est Françoise qui balbutia les premiers mots:

- « Que... comment... que s'est-il passé? »

A ceci Daniel répondit par une autre question.

- « Mme, savez vous ce qu'est l'inconscient? »

FIN.

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